Frappes sur Gaza, Washington menace de freiner l'aide militaire à Israël

le 10/05/2024 à 05h00 par  Afp - Lecture en 4 min
Frappes sur Gaza, Washington menace de freiner l'aide militaire à Israël
L'armée israélienne a bombardé jeudi la bande de Gaza, au moment où les Etats-Unis menacent de cesser des livraisons d'armements à Israël en cas d'offensive majeure dans la ville surpeuplée de Rafah,...

L'armée israélienne a bombardé jeudi la bande de Gaza, au moment où les Etats-Unis menacent de cesser des livraisons d'armements à Israël en cas d'offensive majeure dans la ville surpeuplée de Rafah, à la frontière égyptienne.

Il s'agit de l'avertissement le plus sévère des Etats-Unis, un proche allié d'Israël et son principal fournisseur d'armements, depuis le début de la guerre contre le Hamas dans le territoire palestinien, déclenchée le 7 octobre par une attaque sanglante du mouvement islamiste sur le sol israélien.

Jeudi, une équipe de l'AFP a fait état de frappes et de nombreux tirs d'artillerie à Rafah. D'autres bombardements ont visé la ville de Gaza, dans le nord.

"Les chars et les avions tirent", a témoigné Tarek Bahloul, un habitant de Rafah dans une rue déserte: "Toutes les minutes, on entend une roquette et on ne sait pas où elle va atterrir".

Défiant les mises en garde internationales, l'armée israélienne a mené depuis mardi des incursions qualifiées de "ciblées" dans l'est de Rafah et pris le contrôle du passage frontalier avec l'Egypte, verrouillant une porte d'entrée névralgique pour les convois d'aide humanitaire vers le territoire assiégé.

- "Des vies perdues" -

La menace d'une offensive sur Rafah et la fermeture des points de passage, qui a coupé notamment l'approvisionnement en carburant, font redouter aux organisations internationales une aggravation de la crise humanitaire dans la bande de Gaza.

L'armée israélienne a affirmé avoir rouvert mercredi le passage de Kerem Shalom proche de Rafah, fermé durant trois jours.

Malgré cela, l'acheminement de l'aide reste "extrêmement difficile", a affirmé à l'AFP Andrea De Domenico, le chef du bureau de l'agence humanitaire des Nations unies (Ocha) dans les territoires palestiniens.

"C'est fou", les Israéliens "ont des chars partout, des troupes sur le terrain, ils bombardent la zone à l'est de Rafah et ils veulent que nous allions chercher du carburant ou des produits de base" dans ces zones de guerre?, "ils savent que nous ne pouvons tout simplement pas y aller", lâche M. De Domenico.

"La situation est désastreuse", a lancé jeudi la directrice exécutive de l'Unicef, Catherine Russell, affirmant que si le carburant n'était pas autorisé à entrer, "les conséquences se feraient sentir presque immédiatement".

"Les couveuses pour les bébés prématurés ne seront plus alimentées, des enfants et des familles seront déshydratés ou boiront de l'eau non potable, les égouts déborderont en propageant des maladies. Le temps perdu deviendra bientôt des vies perdues", a-t-elle averti.

L'Unrwa a indiqué jeudi qu'environ 80.000 personnes avaient fui Rafah depuis le 6 mai, quand Israël a appelé les Palestiniens vivant dans l'est de la ville à évacuer.

Certains ont pris le chemin de Khan Younès, une ville en ruines à quelques kilomètres au nord de Rafah, espérant y trouver un abri dans un camp de tentes. D'autres se demandaient encore où aller, alors que les secteurs alentour sont déjà surpeuplés.

"Les chars, l'artillerie et le bruit des bombardements sont incessants. Les gens ont peur et veulent chercher un endroit sûr", a raconté à l'AFP un déplacé, Abdel Rahman.

Selon l'ONU, environ 1,4 million de personnes s'entassent à Rafah, en majorité des déplacés. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, menace de lancer une offensive terrestre d'ampleur sur cette ville où sont regroupés selon lui les derniers bataillons du Hamas.

- Israël combattra "même seul" -

"Des civils ont été tués à Gaza à cause" de bombes américaines, a reconnu le président Joe Biden dans un entretien à CNN, au cours duquel il a pour la première fois posé des conditions à l'aide militaire à Israël.

Si les soldats israéliens "entrent à Rafah, je ne leur livrerai pas les armes qui ont toujours été utilisées (...) contre des villes", a déclaré M. Biden, citant notamment des "obus d'artillerie".

"Si nous devons tenir seuls, nous tiendrons seuls. Je l'ai déjà dit, s'il le faut, nous combattrons avec nos ongles", a répondu jeudi M. Netanyahu.

Le porte-parole de l'armée, le contre-amiral Daniel Hagari, a affirmé de son côté que l'armée israélienne avait suffisamment d'armement pour accomplir sa mission à Rafah".

Un haut responsable américain a aussi confirmé la suspension, la semaine dernière, d'une livraison à Israël "de 1.800 bombes de 2.000 livres (907 kg) et de 1.700 bombes de 500 livres (226 kg)".

La guerre a éclaté le 7 octobre quand des commandos du Hamas infiltrés depuis Gaza ont mené une attaque contre Israël, sans précédent dans l'histoire du pays, qui a fait plus de 1.170 morts, majoritairement des civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles israéliennes.

Plus de 250 personnes ont été enlevées et 128 restent captives à Gaza, dont 36 seraient mortes, selon l'armée.

En riposte, Israël a promis de détruire le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, et lancé une offensive qui a fait jusqu'à présent 34.904 morts, selon le ministère de la Santé du Hamas.

- Exigences contradictoires -

Au Caire, une session de pourparlers indirects visant à négocier une trêve et éviter un assaut à Rafah s'est achevée jeudi mais les efforts des pays médiateurs, Qatar, Egypte et Etats-Unis, "se poursuivent", selon le média Al-Qahera News, proche du renseignement égyptien.

Lundi, quelques heures avant le déploiement de troupes israéliennes à Rafah, le Hamas avait donné son feu vert à une proposition prévoyant une trêve associée à la libération d'otages retenus à Gaza en échange de Palestiniens détenus par Israël.

Mais les deux camps affichent des exigences contradictoires.

Israël a répondu que cette offre était "loin de ses exigences" et répété son opposition à un cessez-le-feu définitif tant que le Hamas, qu'il considère comme une organisation terroriste de même que les Etats-Unis et l'Union européenne, ne serait pas vaincu.

Le mouvement islamiste de son côté réclame un cessez-le-feu définitif en préalable à tout accord.

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